Hattusa et les sites Hittites
Visiter Hattusa (prononcer Hattusha), c’est s’immerger au cœur d’une civilisation oubliée de l’Antiquité. La capitale Hittite n’est aujourd’hui que ruines archéologiques, dans un décors de steppes anatoliennes. Une visite qui mêle culture et randonnée au grand air, que l’on peut faire en une journée depuis Ankara ou la Cappadoce!
L’ancienne capitale Hittite Hattusa se nomme aujourd’hui Boğazkale. Ou plus exactement, c’est le petit village de Boğazkale qui s’est développé au bord du site archéologique.
Perdue au milieu de nul part, la densité urbaine de cette région de Turquie (province de Çorum) est à peu près proche de zéro! L’offre en hôtellerie, y compris en restauration, est donc très limitée.
Le site archéologique de Hattusa n’a été découvert qu’au 19ème siècle et fouillé au cours du 20ème siècle. Son ouverture au public ne remonte qu’à quelques dizaines d’années, mais il est classé au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1986.
S’il a connu un fort engouement à ses débuts, vous n’y croisez aujourd’hui que très peu de touristes. En raison certainement de sa situation géographique et de la méconnaissance des Hittites par le grand public. C’est pourtant une visite qui ne laisse pas indifférent.
La muraille reconstituée
Juste avant d’arriver au guichet du site de Hattusa, vous avez sans doute remarqué le petit morceau de muraille qui a été reconstitué à l’original. Bizarrement, moi, cela m’a fait l’effet d’un décors en carton-pâte… C’est pourtant une reconstitution fidèle, réalisée par les archéologues allemands, entre 2003 et 2005. Il est intéressant de s’y arrêter quelques minutes.
La muraille de Hattusa est pour l’époque extrêmement sophistiquée. Rappelons que nous sommes au 2ème millénaire avant notre ère! Ce sont des murs épais et très solides. Ses fondations sont particulièrement techniques et profondes, d’autant qu’il faut s’adapter à cette topographie montagneuse. La base de la muraille était constituée de gros blocs de pierre bruts, prélevés localement. La partie supérieure s’élevait en briques de terre crue (adobe) enduites. Ces dernières résistant mal au temps, on n’en retrouve plus trace. Elles formaient toutefois de jolies tours et créneaux. La muraille courrait au bas de la cité sur une longueur de près de 6km! On en aperçoit encore bien les fondations. Il s’agissait d’une double muraille, à laquelle s’ajoutait un remblais artificiel que l’on verra un peu plus loin dans notre visite, au niveau de la Porte des Sphinx. Et cette muraille Hittite était percée de 6 portes ou de poternes en encorbellement, fermées par des vantaux en bois. Certaines sont encore très bien conservées et sont sans aucun doute l’atout charme de cette visite!




Le Grand Temple de la ville basse de Hattusa
Le 1er arrêt à l’intérieur du site se fait au niveau du Grand Temple de la ville basse. C’est le plus grand temple Hittite et il était dédié au dieu de l’orage et à la déesse-mère du soleil. Comme j’en ai parlé dans mon article introductif sur les Hittites, il s’agit du couple divin le plus important au panthéon Hittite!
On doit la construction de ce Grand Temple au roi Mursili II vers 1350 av. J-C mais il a surtout était agrandit par Hattusili III un siècle plus tard.
Le grand temple de Hattusa mesure 160m par 130m. On en voit encore très bien l’entrée, le sol pavé et la base des murs en pierre. Il faut s’imaginer à l’époque, une cour centrale et différentes pièces autour :
- Certaines pour le culte à proprement parlé (2 cellas ou adytons : chambres sacrées où trônait les effigies du dieu de l’orage et de la déesse-mère du soleil, recouvertes d’or)
- d’autres pour les archives (de très nombreuses tablettes cunéiformes y ont été découvertes)
- ou plus étonnant … des boutiques! On remarque d’ailleurs en contrebas, d’énormes amphores semi enterrées (jusqu’à 9000L) qui servaient d’entrepôt.
Mais ce qui retient l’attention, c’est surtout cet énorme bloc de pierre verte ultra lisse. Il pourrait s’agir d’une météorite et devait probablement avoir une fonction sacrée. Ce sont les visiteurs qui au cours des ans l’on polie en la touchant…



La pierre verte se trouve dans l’une des réserves du complexe du temple. Il s’agit d’un bloc de pierre verte de type néphrite, commun dans la géologie de la région. Elle a peut-être joué un rôle dans un culte religieux.
Remarquez également tous les trous bien visibles dans les pierres du sol. Ils sont la marque de l’ossature en bois qui, remplie de briques de terre crue, formait les murs du temple. Les Hittites utilisaient des « perceuses » en bronze, sacrément efficaces!














La porte des lions de Hattusa
La porte des lions – Aslanlikapi – doit son nom à ces deux magnifiques félins qui en sont les gardiens! Gravés dans la roche, ils n’en sont pas moins très réalistes. Et à dessin car ils devaient faire peur aux mauvais esprits (et accessoirement impressionner les visiteurs!) Pour info, les sculptures originales sont conservées au musée des civilisations anatoliennes d’Ankara.







La porte du Roi de Hattusa
La porte suivante ce nome la Porte du Roi – Kralkapi. En réalité, c’est une petite erreur d’interprétation lorsque les archéologues ont découvert celle-ci. Car vous remarquerez cette splendide gravure en haut-relief d’un personnage majestueux. Ils ont d’abord pensé qu’il s’agissait d’un roi. En réalité, il s’agit du dieu de la guerre. Les visiteurs avaient intérêt à montrer patte blanche!
Regardez et admirez le détail de la gravure, jusqu’aux plis des genoux… C’est aussi l’occasion de se rendre compte de la mode vestimentaire Hittite. L’originale de cette gravure se trouve au musée des civilisations anatolienne d’Ankara, mais c’est à Hattusa, avec la lumière du jour que l’effet est le plus magique.

La porte des Sphinx de Hattusa et poterne
Vous avez trois choses remarquables sur cette porte des sphinx – Yerkapi. Tout d’abord, vous remarquez nettement le remblais qui fait de cet endroit le point culminant de la muraille. Des escaliers de pierre permettent d’atteindre une altitude de 1250m.


Sur ce promontoire, une grande citadelle – Büyükkale a été construite par Hattusili III pour abriter la famille royale (le roi, la reine, et les concubines…). S’y trouvaient également un temple privé avec un grand bassin cérémoniel.

On peut gravir les marches et profiter du point de vue qu’offre la citadelle. Malheureusement, pour ce qui est des ruines, on ne voit pas grand chose de remarquable. C’est pourtant ici qu’ont été retrouvées plus de 3000 tablettes, dont le fameux traité de Qadesh exposé au musée archéologique d’Istanbul (traité de paix entre Hittites et Egyptiens).


Admirez la porte des sphinx! Corps de lion, buste de femme et ailes d’aigle, ces sphinx(es) sont d’une grande beauté et leur regards intimidants.






Pendant votre séjour à Çorum, assurez-vous également de vous arrêter dans les musées locaux : Alacahöyük (du nom du premier site de fouilles nationales de Turquie) et Boğazköy, pour voir les deux sphinx restaurés depuis les portes de la ville, ainsi que d’autres reliques.

Profitez du beau panorama sur l’intérieur de la capitale Hittite, et imaginez comme les visiteurs devaient se sentir tout petits en arrivant au pied de cette « pyramide de pierre »!
Justement, c’est maintenant à vous de redescendre tout en bas… On peut « traverser la pyramide », à travers une poterne. C’est à dire un long tunnel de 71 mètres de long, en encorbellement avec ces pierres qui semblent vous tomber sur la tête. Moi j’ai adoré!











N’hésitez pas à marcher un peu au pied de la pyramide. Elle était jadis recouverte d’un glacis de couleur blanche qui devait étinceler sous la lumière du soleil! Une idée certainement empruntée aux égyptiens, car la forme pyramidale est une représentation du dieu soleil, vénéré tout autant chez les Hittites.
Les temples de la ville Haute
On ne s’arrête pas forcément à cet endroit qui est peu mis en valeur. Il s’agit de trois temples, dont le plus intéressant est le temple de Nişantepe.
On peut voir ici un exemple de hiéroglyphes Hittites, gravés à l’extérieur de cette paroi de pierre, malheureusement très usée par le temps. Le message n’a pas pu être totalement déchiffré mais il relate la fin du règne de Suppiluliuma II, dernier roi Hittite…











voir aussi : https://www.turcotour.org/turquie/hattusa-site-archeologique.php
Yazılıkaya
Si vous êtes venu jusqu’à Hattusa, vous ne pouvez faire l’impasse sur Yazilikaya! D’abord parce que c’est juste à côté (5 minutes à peine en voiture). Et en plus parce que c’est tout à fait complémentaire. On peut en faire le tour en un quart d’heure, mais ça vaut le détour.
À seulement 2 kilomètres de Hattusa, le temple Yazılıkaya est l’un des temples en plein air les plus spectaculaires à visiter. Le temple s’ouvre sur deux cavernes et ses murs sont ornés des reliefs des 12 déesses et dieux hittites.
Yazilikaya était un sanctuaire, aménagé par le couple royal Hattusili III et Puduhepa, puis agrandi par leur fils Tudhaliya IV. À la différence du Grand Temple de Hattusa, il ne s’agit pas ici que de constructions humaines. Dame-nature a donné son coup de main! Le sanctuaire de Yazilikaya est carrément aménagé dans des rochers…
Sur ces parois rocheuses, sont gravées des processions de dieux, car rappelons-le, les Hittites étaient connus pour être le « Peuple aux 1000 dieux« . Il ne sont pas tous représentés à Yazilikaya, mais on en dénombre pas moins de 65!



Dans la chambre A, tout de suite à gauche, on observe des processions de dieux masculins conduits par le Dieu de l’Orage, et sur le mur d’en face une procession de déesses menées par la Déesse-mère du Soleil. Les deux processions se rejoignant au centre.



Dans la chambre B, une procession de 12 dieux du monde souterrain est très bien conservée. On admire également un relief représentant le roi Thudaliya IV, qui est d’ailleurs présent à 3 reprises sur l’ensemble du site.




Alaca Höyük
Alaca Höyük se trouve à 20 minutes de route de Hattusa en remontant vers Ankara. Il est donc assez facile de rajouter cette étape à votre visite de Hattusa et de Yazilikaya. La visite peut se fait en 30 minutes.
Il s’agit également d’une ville Hittite, de moins grande importance que la capitale bien sûr, mais dont les vestiges témoignent d’une époque un peu plus ancienne. On remonte donc jusqu’aux temps du Hatti, peuple vaincu par les Hittites.


Le premier point remarquable du site est la porte aux sphinx et ses orthostates. Ces pierres gravées représentent des scènes d’offrandes et de rituels. On ne retrouve de telles orthostates qu’à Alaca Höyük. (les originaux sont au musée des civilisations anatoliennes d’Ankara). Observez surtout ces drôles d’acrobates : un avaleur de sabre et des nains sur une échelle! (on devait bien se marrer pendant les sacrifices !).

L’ autre point remarquable ce sont les sépultures des rois Hatti. Aujourd’hui protégées par un toit de plexiglas, il faut s’imaginer que ces tombes royales étaient recouvertes d’un toit en bois.
A l’intérieur, le roi était allongé en position fœtale dans le coin nord-ouest. Dans le reste de cette salle étaient ajoutées des offrandes funéraires : statuettes, bijoux, disques solaires, crâne et os de taureau, etc.

Réputé pour sa maîtrise du bronze, le peuple Hatti confectionnait des disques solaires, souvent flanqués de cornes de taureaux et agrémentés de cerfs. L’un des symboles d’Ankara est d’ailleurs une grande sculpture représentant l’un de ces disques rituels, que l’on retrouve au musée des civilisations anatoliennes.

Après le démantèlement de l’empire Hittite et l’abandon de Hattusa, le site sera occupé par une autre civilisation : les Phrygiens!

































Pourquoi ne pas vous promener dans les rues historiques du quartier İskilip de Çorum et vous lancer sur l’ancienne route hittite?
De plus, vous pourriez tout aussi bien profiter de votre visite en dégustant les nombreuses spécialités de la cuisine de la mer Noire et des spécialités locales, comme l’İskilip dolma (oignon caramélisé, riz et agneau), le hingel mantı ou les célèbres pois chiches de la région. Peut-être aimeriez-vous aussi acheter un produit filé à la main ou tissé à partir du tissu local « kargıbezi » comme souvenir approprié de la région. Les ustensiles en cuivre et les produits en cuir sont également des articles locaux populaires.
Et si vous souhaitez voir plus de restes des Hittites – ou de toute autre ancienne civilisation anatolienne d’ailleurs – vous devriez commencer à vous diriger vers l’ouest jusqu’à Ankara pour faire un voyage dans le temps au Musée des civilisations anatoliennes.
Çorum est pratiquement un musée en plein air qui attend les visiteurs, et cela vaut certainement la peine d’être visité.

Une civilisation oubliée au coeur de la Turquie…
Connaissez-vous les Hittites ? Une civilisation oubliée qui a pourtant régné sur l’actuelle Turquie et au-delà pendant l’Antiquité. Un empire Hittite qui rivalisait avec l’Egypte des Pharaons et Babylone. Un peuple ingénieux et créatif dont l’héritage s’est subtilement transmis jusqu’à nos jours.
Après vous avoir emmener visiter la capitale Hittite de Hattusa, au coeur de l’Anatolie, je vous éclaire sur la civilisation Hittite en répondant à 5 questions clés.
Qui étaient les Hittites ?
L’histoire de l’empire Hittite s’étale sur 5 siècles au cours du deuxième millénaire avant notre ère (environ de 1750 à 1200 av J-C), soit il y a près de 4 000 ans! Les Hittites formaient alors le premier empire de l’Asie Mineure. Une civilisation au moins aussi glorieuse que l’Egypte Antique. Mais à la différence de cette dernière, les Hittites s’éteignent soudainement, sans trop laisser de traces…
Bien que ce peuple soit cité dans la Bible, on n’en connaissait donc à peu près rien jusqu’au 19ème siècle. Ce n’est qu’en 1834, que l’explorateur français Charles Texier redécouvre le site de Hattusa, l’ancienne capitale Hittite, ainsi que les sites voisins de Yazılıkaya et Alaca Höyük. Mais les premières études fouillées n’ont vraiment commencé qu’après 1890.
Au cours du 2ème millénaire avant J-C, l’Anatolie est occupée par de nombreux petits royaumes, des cités-états, qui passent leur temps à guerroyer. Un peuple venu probablement des Balkans ou du Caucase met un terme à ce raffut en soumettant tout ce petit monde, dont ceux de la région du Hatti au centre de l’Anatolie. Ils prennent alors le nom de « Peuple du Hatti » ou « Hittites » en hommage à leurs adversaires vaincus.
Leur première capitale est établie à Kanesh, l’actuelle Kültepe proche de Kayseri, aux portes donc de la Cappadoce. Mais cela ne dure pas. Cette première dynastie s’éteint rapidement, pour mieux renaître, avec comme capitale cette fois-ci, Hattusa. C’est alors que la grande histoire Hittite débute véritablement, sous Hattusili Ier vers 1600 avant J-C.
Au cours des prochains siècles, le territoire Hittite va connaître une série de flux et de reflux, en fonction de la bravoure et de la mal-chance qui afflige ses souverains.
Qui étaient les grands rois et reines Hittites ?
Hattusili Ier, le fondateur du royaume Hittite, est le premier grand roi qui unifia les différentes cités-états Hittites d’Anatolie, vers 1600 av. J-C. (Un peu à l’image de Vercingetorix avec les villages gaulois!). C’est pourquoi il est considéré comme le fondateur du royaume Hittite. Il établit la capitale Hittite à Hattusa et prend le nom de Hattusili, qui signifie Homme de Hattusa.
C’est un roi guerrier qui étend le territoire du jeune royaume Hittite jusqu’aux portes de la Syrie. Il n’échoue que devant les remparts de la ville d’Alep. Très fier de lui, Hattusili Ier se dresse une image quasi divine, conférant une légitimité à son règne. Il n’hésite pas à se comparer à un lion, symbole de puissance. Fâché avec son fils qui complotait contre lui, c’est à son petit-fils qu’il confie le trône lorsqu’il s’éteint.
Mursili Ier, le digne successeur
Petit-fils et successeur de Hattusili Ier, Mursili Ier fait tomber Alep et pousse l’expansion Hittite jusqu’à Babylone qu’il met à sac (1595 av. J-C). Il soumet ainsi les deux plus grands royaumes du Proche-Orient!
Les Hittites ne prennent pas Babylone, mais en font un vassal (en ramassant le butin au passage!). Ce faisant, les Hittites incorporent la culture du vaincu plutôt que de chercher à imposer la leur. C’est ainsi que les Hittites créent un véritable empire, riche de sa diversité, et non pas un simple royaume uniforme.
Mais au retour de Babylone, Mursili est assassiné par son beau-frère et les Hittites entrent dans une période de chaos qui dure environ 65 ans. Meurtres et usurpation du trône se succèdent alors que le territoire Hittite se réduit à peau de chagrin… jusqu’à l’ascension de Télepinu.
Télepinu, le législateur
Lorsque Télepinu s’empare – par la force – du trône Hittite (en 1525 av. J-C), sa femme et son fils sont rapidement assassinés, afin de réduire toutes ses chances de descendance. Les coupables sont arrêtés, et Télepinu dans sa grande clémence se contente d’un bannissement afin de mettre fin à cette période d’instabilité.
Il établit alors des règles de succession au trône pour restaurer la paix et l’unité du royaume Hittite. Il met en place une « Assemblée » qui est légitime pour valider ou récuser l’accession au trône d’un successeur désigné par le roi. Celui-ci pouvant d’ailleurs être choisi en dehors de la famille royale. Le peuple a la possibilité de se saisir de cette Assemblée pour faire juger un souverain, jusqu’à une condamnation à mort (dans le pire des cas!). Les Hittites auraient donc, bien avant les Grecs, établi les prémices d’une démocratie!
Télepinu légifère d’ailleurs sur beaucoup de choses. Ce qui permet aux Hittites de disposer d’un code civile très stricte, qui confère l‘égalité entre tous ses citoyens. Ses lois – que l’on pourrait qualifier de progressistes – mettent l’accent sur les mesures compensatoires plutôt que sur les sanctions. On a même retrouvé des jugements de divorces!
Après Télépinu, les Hittites vont connaître un siècle relativement pacifique. Mais aux frontières de l’empire les ennemies ne manquent pas. Au Sud-Est, les Egyptiens; à l’Est, le nouveau royaume du Mittani; au nord les agaçantes tribus Gasgas. Les Hittites sont menacés de toute part, jusqu’au coeur de leur territoire.
Finalement, les Gasgas attaquent Hattusa et sa population est décimée. La capitale doit être momentanément abandonnée. En quelques années seulement, les Hittites perdent la majeure partie de leur territoire. Au bord de la disparition totale, l’empire va à nouveau renaître de ses cendres, mais pour cela il faudra attendre l’arrivée de Suppiluliuma.
Suppiluliuma Ier, le plus grand monarque Hittite
Suppiluliuma est le plus jeune fils du Roi Tudhaliya II. Nommé général, il s’avère être aussi bon guerrier que fin politicien. Par la force ou par les traités, il réussit l’exploit de reconquérir tout le territoire perdu des Hittites.
Toutefois, son père, sur son lit de mort, désignera le frère aîné de Suppiluliuma comme successeur. « C’est pô juste » se dit-il. Aussi, il enfreint le fameux traité de succession établi par Télepinu et assassine son frère pour s’emparer du trône (en 1344 av. J-C).
En moins d’un an, Suppiluliuma poursuit sa reconquête à l’Est jusqu’au Liban et au Nord jusqu’aux rives de la Mer Noire. Les Hittites s’imposent comme de redoutables combattants!
Ils assiègent la capitale du Mittaniet infligent de grosses défaites à ce royaume qui ne s’en remettra pas. Les anciens vassaux du Mittani passent sous le giron des Hittites qui deviennent ainsi frontaliers des Egyptiens.
Pour consolider son pouvoir et ses relations avec Babylone, Suppiluliuma répudie son épouse pour se marier avec la fille du Roi Babylonien.
Puis vers 1324 av. J-C, il reçoit une proposition de la Reine d’Egypte, la jeune veuve de Toutânkhamon. Celle-ci n’ayant pas eu le temps d’avoir un enfant, lui propose de prendre pour époux l’un des fils de Suppiluliuma, scellant ainsi une alliance inédite entre Hittites et Egyptiens. Surpris par cette offre fort alléchante, le souverain Hittite se méfie… Mais il finit par accepter et envoie son fils en Egypte. Ce mariage doit faire du fils de Suppiluliuma le nouveau Pharaon d’Egypte!
Malheureusement pour lui, à l’approche de la frontière égyptienne, le prince Hittite est assassiné. Etait-ce un coup monté de la Reine ? ou du jeune rival qui s’est emparé du trône d’Egypte ensuite ? Le mystère demeure. Toujours est-il que Suppiluliuma entre dans une grosse colère et envoie ses armées chatouiller les territoires égyptiens! De ses attaques victorieuses, il rapporte jusqu’à Hattusa de nombreux prisonniers égyptiens. Mais se faisant, il déclenche un drame terrible pour le peuple Hittite. Car ces esclaves égyptiens apportent avec eux au cœur du territoire Hittite … la PESTE!
L’épidémie de peste se propage rapidement à Hattusa et dans l’empire, emportant dans la tombe une grande partie de la population Hittite. Le Roi Suppiluliuma lui-même décède de la peste. Ainsi que dans la foulée, son fils aîné qui lui a succédé. Une fois encore, les Hittites plongent dans un âge sombre.
Mursili II, le courageux
Mursili II est le plus jeune fils de Suppiluliuma. Il monte sur le trône en 1321 av. J-C, alors qu’il est encore très jeune, et dans un contexte difficile. La peste ravage l’empire et cela durera les deux décenniesà venir. Les récoltes insuffisantes ajoutent à la maladie la famine.
Mursili se tourne vers les Dieux, persuadé que la malédiction qui les frappe a été causée par Suppiluliuma lorsqu’il a brisé le traité de succession de Télépinu (moralité : faut pas tuer son frère, c’est pas bien!). Son épouse bien-aimée décède elle-aussi de la maladie. Le Roi est dévasté. Il accuse sa belle-mère, la Reine Babylonienne d’avoir pratiqué la magie noire contre sa femme. Il la fera bannir.
Malgré toutes les tragédies de son règne, le Roi Mursili II réussit à maintenir l’empire à flot et à protéger ses frontières. Mais à l’Est, apparaissent maintenant un nouvel ennemie redoutable, les Assyriens.
Hattusili III et Puduhepa, le couple glamour
Hattusili III est le petit-fils de Mursili II. C’est aussi le jeune frère du roi Muwatalli, qui lui a succédé. Ce prince occupe la fonction de grand prêtre, mais c’est en tant que Général, qu’il est envoyé pour contrer l’armée du jeune Pharaon Ramsès II à Qadesh, dans l’actuel Liban.
Cette bataille mythique de Qadesh marquera le règne de Ramsès II, qui en rapporte une version officielle à sa gloire. Toutefois, on sait aujourd’hui que les égyptiens n’ont pas emporté la victoire. La bataille s’est soldée par un statut quo alors que les troupes du général Hittite avaient pris le dessus sur l’armée de Ramsès II.
Sur le chemin du retour, Hattusili fait la rencontre d’une jeune femme, Puduhepa, prêtresse et fille de prêtre d’origine hourrite. Le général aurait eu le coup de foudre pour cette jeune fille à la tête bien faite, qui devient son épouse, et plus tard la Reine la plus importante de toute l’Histoire Hittite!
Deux ans après la bataille de Qadesh, le roi Muwatalli II décède. Son fils, qui est donc le neveu de Hattusili lui succède. Roi de faible envergure, il voit son oncle Hattusili, auréolé de sa gloire sur les égyptiens, comme une menace pour son autorité. Il le fait donc nommer gouverneur d’une province éloignée, ce que celui-ci prend pour un affront. Hattusili viole alors le traité de succession de Télépinu, comme Supiluliuma en son temps, et s’empare du trône par la force. Le roi est exilé et Hattusili III devient le nouveau souverain Hittite.
Hattusili III et Puduhepa ont un règne glorieux marqué par la paix et la prospérité.
Puduhepa, reine et prêtresse, assume un rôle majeur dans la diplomatie des Hittites, notamment avec les Egyptiens. De nombreuses tablettes ont été retrouvées, d’une correspondance amicale avec la reine d’Egypte qu’elle appelle sa « soeur ». De même que Hattusili appèle Ramsès son « frère ». Ensemble, ils signent le fameux Traité de Paix de Qadesh en 1269 av. J-C. Un traité historique, connu pour être le premier traité de paix de l’histoire et qui est exposé au musée archéologique d’Istanbul.
Ils renforcent leurs liens avec les Egyptiens en offrant deux de leurs filles en mariage à Ramsès II (une bonne idée de cadeaux!).
Lorsque Hattusili III meurt vers 1240 av. J-C, Puduhepa lui fait aménager le sanctuaire de Yazılıkaya, tout près de Hattusa. Elle gardera une grande influence, en tant que Reine-Mère jusqu’à son décès à l’âge de 90 ans.
Après la mort de Hattusili et de Puduhepa, l’empire périclite rapidement. En seulement 30 ans, la capitale Hattusa est abandonnée définitivement et sombre dans l’oubli. La raison de cette disparition n’est pas très claire, mais il semble que les Hittites aient subit des attaques des Peuples de la Mer, et qu’un incendie ait ravagé Hattusa.
Cette extraordinaire civilisation, survécut malgré tout à travers un peuple dit Neo-Hittite qui se maintient dans l’est de l’ancien empire. La culture Neo-Hittite s’exporte en Orient, bien qu’ils ne forment plus que des tribus parmi d’autres au coeur du nouveau grand empire Assyrien. C’est ainsi qu’on les retrouvera, cohabitant avec les autres peuples bibliques.
Traité de Qadesh

Cette oeuvre n’est pas impressionnante par sa taille. Ah ça non! Elle est même tellement petite et discrète que l’on pourrait facilement la rater. Cette petite tablette gravée d’un texte en lettres cunéiformes est le premier traité de paix de l’Histoire! Celui qui fût signé entre Hattusili III, Roi des Hittites et le Pharaon Égyptien Ramsès II. Il met le point final à une longue discorde qui dura près d’un siècle, entre ces deux puissants royaumes du Moyen-Orient. Le point d’orgue du conflit étant la Bataille de Qadesh!
Cette bataille s’est déroulée 13 siècles avant notre ère, près de la ville de Qadesh. Cette citée se trouve à la frontière des deux royaumes, côté Hittite (sud de l’actuelle Syrie).
Au début du règne de Ramsès II, celui-ci se met en tête de reconquérir ce territoire stratégique, qui leur appartenait jadis. Son père Séthi Ier s’y était déjà cassé les dents! Qu’à cela ne tienne, il lève son armée et se met en marche.
À la tête de 20 000 soldats égyptiens, Ramsès se retrouve finalement pris en embuscade, car le roi Hittite Muwattali II, l’y attendait déjà. Par leur stratégie et l’effet de surprise, les Hittites infligent de lourdes pertes aux égyptiens dès le premier jour de la bataille. La vie de Ramsès est menacée. La victoire qui était acquise aux Hittitese, leur échappe pourtant! La version officielle rapportée par Ramsès, raconte comment le Pharaon, avec l’aide des dieux, a quasiment à lui seul renversé l’armée Hittite. C’est cet épisode qui a façonné la légende du grand Ramsès II.
(La scène de Ramses II sur son char de guerre, accompagné de son lion prénommé « Le massacreur », et donnant la « bastonnade » à l’ennemie… se retrouve notamment gravée aux temples de Louxor et Abou Simbel.)
Cette version égyptienne est à nuancer, car au bout du compte, nul n’est totalement ressorti vainqueur. Qadesh reste dans le giron des Hittites. Mais les pertes humaine sont telles qu’une trêve est conclue dès le lendemain de la bataille! Les tensions perdurent encore une dizaine d’années, sans que rien ne bouge vraiment. Sur le constat d’un statut quo, ils finissent par signer ce traité de Paix.
Le « traité de paix éternelle » que l’on voit au musée archéologique d’Istanbul est signé vers 1259 av. J-C entre Ramsès II et Hattusili III, successeur de Muwattali. Ce traité a été gravé en lettres cunéiformes sur cette petite tablette retrouvée à Hattuşa, capitale des Hittites (centre de l’actuelle Turquie). On en retrouve une version géante gravée sur le mur du Ramesseum à Louxor ainsi qu’à Karnak.
Que nous dit ce traité de Qadesh ?
- Non agression : Ramsès ne doit pas attaquer le Pays des Hittites, et Hattusili ne doit pas attaquer l’Egypte. Et cela, « pour l’éternité « !
- Alliance : Si un ennemie vient à attaquer l’un des deux royaumes, l’allié doit venir prêter main forte.
- Pérennité de la lignée : Si l’un des deux monarques ou leur successeur légitime venait à se faire usurper le trône, l’autre viendrait le venger.
- Extradition : Si un ressortissant égyptien fuit le royaume pour se réfugier chez les Hittites, ou inversement, l’autre royaume le remettrait aux autorités! (sans qu’aucun mal ne lui soit fait…)
- En cas de manquement : si l’un des deux souverains venait à trahir son engagement, malheur à lui! Les mille formes divines de chaque royaume viendraient détruire « sa maison, ses terres et ses serviteurs« . En revanche, celui qui respecte sa parole s’assure la prospérité…
Qui étaient les 1000 dieux Hittites ?
Les Hittites se désignaient eux-mêmes comme « le peuple aux mille dieux », (peut-être des Dieux venus des étoiles ?). Ce sont des polythéistes, qui associent chaque élément de la nature à une divinité. Les dieux sont représentés sous forme humaine le plus souvent. Mais on les trouve aussi sous une forme animale (des vases de cérémonie de forme animale, que l’on appelle rython), comme le cerf pour les divinités protectrices ou le lion pour les divinités guerrières.
Les Hittites ont cette particularité de toujours ajouter de nouveaux dieux à leur panthéon. Ils ont d’abord intégré tous les dieux du panthéon Hatti, auxquels ils ont apporté leurs propres dieux Hittites, ainsi que les dieux des territoires qu’ils ont successivement conquis, notamment ceux du panthéon Hourrite. Ajoutez à cela qu’un même dieu pouvait avoir différents noms selon les villes qui le vénéraient. Et vous avez une idée du casse-tête pour s’y retrouver!
Les principaux dieux Hittites
Le couple phare qui est au sommet du panthéon Hittite, est le dieu de l’orage et la déesse du soleil.
- Le dieu de l’orage : C’est aussi le Roi des Dieux. Il est appelé Taru (Hatti) ou Teshub (Hourrite). Il est représenté tenant un marteau et des éclairs. (un mix entre Thor et Zeus en quelques sortes!). Il peut également être représenté sous forme d’un taureau, symbole de fertilité. On le vénère notamment à Yazilikaya.
- La déesse du soleil : Elle est appelée Hebat (Hourrite) ou Arinna (Hittite). Elle est représentée par le lion, comme la déesse Ishtar à Babylone. C’est l’épouse du dieu de l’orage.
Le Roi Hittite est considéré comme le fils adoptif de ce couple Divin, qui devient lui-même un Dieu au moment de sa mort. On peut également citer d’autres dieux marquants, comme le dieu agraire Telepinu, fils du dieu de l’orage et de la déesse du soleil. Il est le personnage central d’un mythe sur lequel je reviens dans un instant.
Les rituels Hittites
Tous ces dieux Hittites sont capricieux, et doivent être chouchoutés par les prêtres et le roi pour s’assurer de leur fidélité. Des rituels sont donc conduits dans des sanctuaires dédiés à chacune de ces divinités.
Dans ces sanctuaires les dieux étaient représentés par des effigies de forme humaine, recouvertes d’or. Elles étaient investies de l’âme de la divinité et étaient donc traitées comme des êtres vivants. Les prêtres et le couple royal étaient les seuls autorisés à pénétrer dans les sanctuaires. Ils ont la charge d’apporter les offrandes aux dieux et de réciter les prières.
Les Hittites dans la Bible ?
Les Hittites font partie de ce que les historiens appellent les Civilisations Oubliées. Car depuis longtemps, leurs traces s’étaient évaporées. Ce n’est qu’à partir des fouilles de Hattusa à la fin du 19ème siècle que l’on a commencé à reconstituer leur formidable histoire.
Toutefois, on connaissait l’existence de ce peuple Hittite à travers un livre largement répandu à travers le monde… La Bible! Le livre sacré des Chrétiens, en effet, mentionne assez largement ces Hittites, ou plutôt Héthiens, tels qu’ils y sont généralement mentionnés.
Selon la Bible, les Hittites sont des descendants de Noé (celui qui a construit la fameuse arche) et seraient des Cananéens. Leur territoire est donc situé dans la région de Canaan, c’est à dire vers le Liban/ la Palestine, entre la mer méditerranéenne et la Mer Morte. On sait aujourd’hui que leur empire à son apogée était bien plus vaste!
Abraham, dont la vie est racontée dans la Génèse, est le principal Patriarche de l’histoire commune des 3 religions du Livre (Judaïsme, Christianisme et Islam). Il arrive dans la Terre Promise à une époque où les Hittites étaient encore puissants et où leurs lois s’appliquaient. Abraham, comme tout bon contribuable, payait donc ses impôts au Roi Hittite!